Dans un hot-spot de biodiversité

Le bassin méditerranéen est l’un des principaux foyers de biodiversité de la planète. Mais c’est aussi une des régions du monde où les écosystèmes sont soumis aux plus fortes pressions environnementales. La présence de très nombreuses espèces endémiques et la disparition très importante des écosystèmes d’origine ont conduit à faire figurer le bassin méditerranéen parmi les 34 points-chauds (hot-spot)1 de biodiversité que compte la Terre. Dans ce hot-spot méditerranéen, on compte 12 zones à très grande biodiversité2. Et parmi ces 12 zones figure la Corse, avec les autres îles de la mer Tyrrhénienne.

La Corse présente une extraordinaire diversité de milieux et sa flore est très riche en espèces endémiques ou à aire de répartition réduite. Les zones naturelles situées à l’extrême sud de l’île forment un ensemble des plus originaux. Les granites littoraux et le très singulier plateau calcaire de Pertusato abritent un grand nombre d’espèces végétales très rares. De ce fait, Botaniste ne se lasse jamais d’arpenter ces milieux pour découvrir des espèces fugaces et discrètes, dont certaines ne se laissent observer qu’en hiver.

1. Myers, N., Mittermeier, R.A., Mittermeier, C.G., Da Fonseca, G.A., & Kent, J., 2000 - Biodiversity
hotspots for conservation priorities. Nature, 403(6772), 853-858.

2. Vela E., 2017 - De l’inventaire de la biodiversité aux priorités de conservation dans le hotspot du bassin méditerranéen :peut-on combler les déficits de connaissance ? HDR, Université de Montpellier, 62 p.

Un très curieux Arum

C’est en hiver que fleurit l’Ambrosinie de Bassi (Ambrosina bassi). Cette petite plante de la famille des Aracées est endémique de l’ouest du bassin méditerranée. Son aire de répartition est centrée sur la Sardaigne et s’étend au sud de la Corse, à la Sicile, au nord de la Tunisie et au nord de l’Algérie.

Ambrosina bassii

Un court rhizome tubéreux émet 2 à 4 feuilles ovales étalées sur le sol. Ces feuilles de couleur vert vif sont parfois maculées de brun. Au milieu des feuilles, l’inflorescence se développe est elle aussi au niveau du sol car elle est portée par un pédoncule très court. Cette inflorescence qui a la forme d’une petite outre s’avère très originale. Une spathe1 enroulée sur elle-même et prolongée par un long bec forme une cavité découpée en deux loges. La loge inférieure contient 8 à 12 fleurs mâles, réduites à des étamines ; la loge supérieure contient quant à elle une unique fleur femelle. Avec une telle disposition, la rencontre entre les grains de pollen et l’ovaire est peu probable et nécessite l’intervention d’un agent pollinisateur. Ce système est très efficace pour éviter l’auto-fédondation, mais il est peu performant : le taux de fructification est faible en milieu naturel 2. Quant à l’identité de l’invertébré pollinisateur, des doutes subsistent encore à ce jour3.

L’espèce est protégée en France, où elle n’est présente que dans le sud de la Corse. Héliophile peu exigeante vis-à-vis du sol, elle montre une bonne résilience aux perturbations qui favorisent l’ouverture des milieux notamment le pâturage, le débroussaillage des bords de pistes et de voies routières ou les incendies de forêt.

Ambrosina bassii

    1. Spathe : désigne la membrane qui entoure l'inflorescence chez certaines espèces (notamment les espèces de la famille des Aracées)
    2. Paradis G., Hugot L. & Pozzo Di Borgo M.-L., 2007 - Précisions sur la chorologie de l’espèce protégée Ambrosina bassii (L.) (Araceae) en Corse. Bull. Soc. Bot. Centre-Ouest, N.S., t. 38 : 81-104.
    3. Quilichini A. & Giberneau M., 2014 - Leurre et chaleur : la pollinisation par duperie chez les Aracées. Santori 31, 34-43

Toute première orchidée

Gennaria diphylla

La Gennarie à deux feuilles (Gennaria diphylla) fleurit dès le mois de janvier dans les maquis du sud de la Corse. Cette orchidée peu visible est très facile à identifier. Deux feuilles luisantes alternes embrassent la base de la tige ; la feuille inférieure est nettement plus grande que la feuille supérieure. La hampe florale porte de nombreuses petites fleurs vert-jaune. En raison de sa couleur, l’espèce est très discrète et se distingue difficilement de la végétation environnante. C’est sans doute pour cela que sa présence en Corse n’a été avérée que tardivement : la Gennarie à deux feuilles n’a été identifiée qu’en 19651 et sa répartition a été précisée par des travaux récents2,3,4. Cette espèce endémique de l’ouest du bassin méditerranéen et de la Macaronésie est protégée en Corse.

Gennaria diphylla

1. Vivant J., 1965 - Gennaria diphylla (Link) Parl., Orchidée nouvelle pour la Corse, Bulletin de la Société Botanique de France, 112:7-8, 458-461.

2. Gamisans, J., Jeanmonod D., 1993 - Catalogue des plantes vasculaires de la Corse (Ed. 2). Annexe n° 3. In D. Jeanmonod & H.-M. Burdet (éd.), Compl. Prodr. Fl. Corse. Conserv. et Jard. bot. Genève, 258 p.

3. Paradis G., Delage A., Hugot L. & Pozzo di Borgo M.L., 2007- Contribution à la connaissance de la chorologie de l’espèce protégée Gennaria diphylla (Link) Parl. (Orchidaceae) en Corse. Bull. Soc. bot. Centre Ouest 38: 113-138.

4. Schatz B., 2017 - Les orchidées de l’île de Cavallo (archipel des Lavezzi, Corse) : une surprenante abondance del’espèce protégée Gennaria diphylla. In: Ecologia mediterranea, tome 43 n°2, pp. 159-170.

Deux Crocus presque jumeaux

Crocus minimus

Nettement plus colorées que celles des deux espèces précédentes, les fleurs des Crocus égayent très tôt les rocailles et les maquis ouverts. Le Crocus nain (Crocus minimus) est une espèce endémique abondante en Sardaigne et fréquente dans le sud de la Corse, surtout à basse altitude. Il ressemble beaucoup à un autre crocus cyrno-sarde, le Crocus de Corse (Crocus corsicus), plus fréquent au nord de l’île à des altitudes plus élevées. Les fleurs de ces crocus sont violacées et ornées à l’extérieur de veines ramifiées violet sombre. Elles présentent des pièces reproductrices de couleur vive, jaune, orange ou vermillon. Les critères de distinction entre les deux espèces sont faciles à observer. Ils reposent sur la couleur et la taille des anthères, la couleur et la forme des stigmates, l’épaisseur des feuilles et la forme de la spathe. Ces critères s’avèrent toutefois très variables et difficiles à évaluer dans les zones où les deux espèces cohabitent. Cette variabilité indique une probable parenté entre ces deux espèces.

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